US President Donald Trump (R) and Russia's President Vladimir Putin talk as they make their way to take the "family photo" during the Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC) leaders' summit in the central Vietnamese city of Danang on November 11, 2017. World leaders and senior business figures are gathering in the Vietnamese city of Danang this week for the annual 21-member APEC summit. (Photo by JORGE SILVA / POOL / AFP)

Contexte et engagements du livre

Dans son livre Dictionnaire amoureux du féminisme (Plon, 2025), Rokhaya Diallo rend hommage à plusieurs figures féminines — d’Angela Davis à Diam’s, en passant par Christiane Taubira ou Frida Kahlo — et appelle à refuser la bienséance, la discrétion, la modestie ou l’amabilité, voire à briser le tabou de la colère. Elle précise que cette étape est un mieux et non un idéal défini.

Une déconstruction des injonctions et une invitation à interpréter l’insulte comme un signe d’émancipation

Dans La Matinale, elle indique que ce travail consiste à déconstruire les injonctions implicites qui nous accompagnent tout au long de la vie et que lorsqu’une femme énonce des idées claires et avec fermeté, elle est souvent perçue comme insolente ou arrogante. Elle invite à accueillir ces mots qui se veulent insultants comme des signes de sortie du cadre.

Un exemple concret évoqué est l’ajout de la mention Docteure sur les réseaux sociaux par celles qui détiennent une thèse, une manière de rappeler leur expertise et de s’affirmer.

L’art oratoire comme arme d’émancipation

De passage en Suisse à l’invitation du Festival Black Helvetia, dont la prochaine édition se tiendra en 2026, Rokhaya Diallo organise et copréside une formation à Neuchâtel visant à démocratiser l’accès à la sphère publique, médiatique, culturelle et politique. Quarante femmes y participeront.

Elle souligne que les espaces les plus visibles de la sphère publique sont capturés par une certaine classe sociale et qu’il existe de nombreuses entraves liées à une autocensure qui touche majoritairement les femmes et les personnes issues de groupes minoritaires. L’objectif est de fournir des connaissances permettant de s’exprimer plus sereinement dans l’espace public.

Elle illustre son propos par son expérience personnelle : lorsqu’elle a commencé à débattre à la radio et à la télévision en France, elle était souvent la seule femme et elle avait du mal à terminer ses phrases; elle était parfois interrompue plus que les autres, et il lui est arrivé qu’on lui crie dessus alors que cela pouvait rendre difficile l’énonciation d’idées susceptibles de susciter le débat.

Des corrections à un problème systémique

Si ce type de situation peut encore se produire, elle note que la situation s’améliore dans les médias, avec davantage de femmes qui débattent et commentent l’actualité politique. Ce n’est pas encore idéal, mais cela évolue et elle souhaite contribuer à cette progression, en précisant que sa formation ne concerne pas uniquement les médias.

Elle estime qu’il faut un changement systémique et que ces formations apportent une correction à quelque chose de plus profond.

Une remise en question qui rassemble

Bien qu’elle s’adresse principalement à un public féminin et racisé, Diallo rappelle que ces questions concernent aussi de nombreux hommes blancs et les classes populaires. Elle évoque l’exemple du mouvement des gilets jaunes comme cri des classes sociales exclues de la vie publique et économique, et souligne le mépris dont ils ont été l’objet, parfois même de la part des autorités.

Face aux critiques qui l’accusent d’avoir un discours clivant, elle répond que ceux qui prétendent cela refusent souvent d’interroger les fondements de la société. Pour elle, interroger une société injuste sans déplaire peut générer de l’inconfort, et affirmer que les femmes ont des raisons d’être en colère n’est pas une division mais une façon d’appréhender l’humanité dans sa complexité. Se remettre en question et s enrichir des échanges peut en réalité nous réunir.

Propos recueillis par Pietro Bugnon. Texte web: Pierrik Jordan.

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