Écoles neuchâteloises: des enseignants en alerte face à la violence et à la surcharge pédagogique
Dans un courrier publié début novembre, un collectif d’enseignants du canton de Neuchâtel décrit une détresse croissante dans les classes. Le document, composé de 23 pages, relate des épisodes de violence et des difficultés d’encadrement. « Un élève m’a lancé des ciseaux dessus de rage. Un autre a envoyé un camarade à l’hôpital tant il l’a frappé fort. Jamais je n’avais connu cela auparavant », peut-on lire dans le texte.
Des témoignages qui soulignent des défis multiples
Une enseignante évoque des difficultés liées à des élèves présentant des troubles du spectre autistique et à des contextes familiaux complexes. Elle précise qu’elle cumule plusieurs situations et affirme: « Je n’ai malheureusement pas le temps pour chacun d’entre eux ».
« Ce n’est pas du tout le métier pour lequel je m’étais préparé », déclare Philippe, enseignant dans le canton de Neuchâtel.
Sur le terrain: des classes en difficulté
Dans le cadre de son témoignage, Philippe décrit une réalité difficile avec des élèves de dix ans qui « ne savent pas lire » ou « ne s’expriment pas clairement ». Certains projets artistiques se heurtent à des refus agressifs: « des enfants refusent de chanter des chansons, parfois de manière agressive, parce qu’un mot ne leur plaît pas ». Il ajoute que certains « n’ont pas acquis la propreté ». « Ce n’est pas du tout le métier pour lequel je m’étais préparé », rappelle-t-il.
Réinventer l’école pour apaiser les tensions
Selon Raquel, enseignante dans le canton, les élèves apparaissent de plus en plus fatigués, souvent en raison de veillées tardives et d’un usage accru des écrans. Elle souligne que les règles simples affichées en classe — respecter les adultes et travailler dans le calme — restent indispensables, mais s’avèrent difficiles à appliquer, et que « ce sont ces règles-là qui prennent le dessus sur les apprentissages ».
Pour Mireille Haag, fondatrice du projet Educoeur, l’école actuelle est dépassée par les mutations de la société. « J’ai l’impression que les gens de l’extérieur ne se rendent pas compte de la souffrance vécue à l’école. Aujourd’hui, elle arrive à bout de souffle. C’est une école très normée, pensée au XIXe siècle, et elle n’est plus adaptée à une société qui a changé rapidement. L’école tente de suivre, mais ce n’est plus possible. J’ai l’impression d’une cocotte-minute prête à exploser », affirme-t-elle.
Concertation et mesures en cours
Dans leur appel à l’aide, les membres du collectif demandent davantage de soutien en classe, avec la présence quasi systématique d’un éducateur ou d’un enseignant spécialisé, et un accès administratif facilité aux aides.
Du côté des autorités, Crystel Graf, conseillère d’État en charge de l’Éducation, rappelle que des mesures ont été simplifiées depuis la rentrée et que leurs effets devraient se faire sentir prochainement. Le canton a aussi lancé le projet pilote « Flora » destiné à préparer les enfants peu socialisés à l’école. Elle souhaite rencontrer les représentants du collectif, mais aux côtés des communes, puisque l’école dans le canton est régionalisée et que l’aspect sociopédagogique est financé par les communes.
Un regard public et les débats
Le sujet a été abordé lors d’un forum réunissant notamment David Rey, président du Syndicat des enseignants romands, Laurence Nguyen Fagnoni, présidente de la Fédération des associations de parents d’élèves du canton de Neuchâtel, et Simone Hardt, pédopsychiatre et médecin-adjointe à la Guidance petite enfance des HUG. Le débat public a porté sur les réponses à apporter face à la montée de la violence en milieu scolaire.
