Un choix politique crucial face au conflit ukrainien

Mariya Gabriel, ancienne commissaire européenne, ex-ministre bulgare des Affaires étrangères et présidente actuelle de l’Institut Robert Schuman en Bulgarie, souligne que l’Europe est confrontée à un dilemme majeur concernant son positionnement face à la guerre en Ukraine.

Selon elle, deux orientations s’offrent aux pays européens : agir de manière autonome, ce qui soulève des interrogations sur le soutien réel entre États membres et les ressources disponibles, ou poursuivre la voie des garanties de sécurité américaines. Cette dernière option, très soutenue par certains États, pose toutefois la question des concessions consenties et de leur impact sur la position européenne.

« Tant qu’un leadership clair et doté des moyens nécessaires ne sera pas établi, il paraît irréaliste d’envisager une paix », affirme Mariya Gabriel.

Pour cette responsable politique, la priorité avant tout accord de paix est la mise en place d’un cessez-le-feu, une condition indispensable pour toute avancée diplomatique.

Sanctions, déploiement militaire et posture européenne

Dans le contexte actuel, la diplomate rappelle que les sanctions économiques contre la Russie sont déjà en vigueur. Néanmoins, elle insiste sur la nécessité d’analyser pourquoi ces mesures n’ont pas produit les résultats attendus jusqu’ici, notamment en s’intéressant aux contournements possibles et à la gestion des avoirs gelés.

Concernant le déploiement de forces armées sur le territoire ukrainien, Mariya Gabriel observe que le signal envoyé semble favorable à cette idée. Elle précise toutefois que demeurent des questions fondamentales liées aux modalités, aux moyens engagés ainsi qu’aux objectifs poursuivis, tout en rappelant l’importance de respecter les décisions des parlements nationaux des différents pays.

Cette réflexion fait écho aux discussions autour de la participation potentielle de 26 États à une « force de réassurance » destinée à soutenir l’Ukraine. Par ailleurs, Vladimir Poutine a mis en garde que toute intervention occidentale en Ukraine pourrait être considérée comme une cible par l’armée russe.

L’Est européen, un foyer politique central

Mariya Gabriel considère que ce conflit a déplacé le « centre de gravité politique » vers l’Est du continent. Toutefois, elle rejette l’idée d’une vision monolithique de l’Europe de l’Est, précisant que les perceptions du conflit varient d’un pays à l’autre.

Elle illustre cette diversité en évoquant le cas de la Pologne, qui appréhende la guerre sous l’angle de la sécurité nationale, tandis que les États baltes s’engagent avec une forte identification au conflit. Quant à la Bulgarie, le choix a été fait de demeurer pleinement membre de l’Union européenne et de l’OTAN, tout en affirmant ne pas ignorer son histoire.

La présidente de l’Institut Schuman évoque également une « crise d’identité politique » en Bulgarie, nourrie par des discours exprimant un sentiment de marginalisation au sein de certains segments de la population. Ces arguments, parfois portés par des forces politiques critiques envers l’UE, s’appuient sur un certain nombre de citoyens jugés plus vulnérables face à la désinformation ou affectés par des difficultés économiques.

Face aux prises de position parfois favorables de certains dirigeants bulgares envers Moscou, Mariya Gabriel estime que ces dynamiques politiques ne pourront être ignorées. Elle note que la Russie rencontrera probablement des difficultés à réduire son influence en Bulgarie, ce qui renforce selon elle la nécessité pour l’Europe de maintenir une position ferme.

Contexte récent : attaque de drones sur un siège gouvernemental à Kiev

Le débat s’inscrit dans un contexte marqué par une attaque récente à Kiev, où des drones russes ont ciblé un bâtiment gouvernemental, soulignant une intensification des hostilités en Ukraine.

Interview radio par Pietro Bugnon, adaptation web par Julie Liardet.

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