Un week-end chargé de souvenirs et d’émotions

Dans son dernier roman Ils appellent ça l’amour, Chloé Delaume réunit à nouveau cinq amies emblématiques – Clotilde, Judith, Adélaïde, Bérangère et Hermeline. Ces personnages, familiers des lecteurs de l’autrice française, se retrouvent pour une escapade festive d’un week-end dans une ville pittoresque, semblable à un décor de théâtre, aux vieux murs et lierre grimpant.

Cependant, cette destination n’est pas anodine : c’est dans ce cadre que Clotilde, alter ego littéraire de Chloé Delaume, a vécu vingt ans plus tôt une relation marquée par une dynamique toxique avec un homme qu’elle nomme Monsieur. Tout au long du séjour, alors que ses amies s’amusent, Clotilde est hantée par le poids de cette emprise passée et la honte qui persiste, jusqu’à ce qu’elle décide enfin de se libérer en parlant ouvertement de cette histoire douloureuse.

Les souvenirs d’une relation toxique du passé

Alors que ses amies préparent des tartes et fument des joints, tout en écoutant des chansons françaises des années 1980, Clotilde revit dans ses pensées sa rencontre avec Monsieur, remontant à deux décennies. Malgré plusieurs signaux d’alerte, la Clotilde trentenaire de l’époque a rapidement accepté la proposition intime de cet homme, plus âgé de dix-huit ans, au style marqué, avec son pantalon en velours côtelé et une attitude patriarcale.

Sa situation fragile, entre précarité et besoins affectifs non comblés, a probablement contribué à sa vulnérabilité face à cette relation.

Une dégradation progressive de son équilibre

Dans le roman, Clotilde hésite entre décrire son environnement ou son état intérieur du moment : les fenêtres mal isolées, la dépression sévère, les pensées suicidaires, les livres envahissants et l’oreiller souvent humide.

Par la suite, la descente dans la toxicité s’installe progressivement. Monsieur invite Clotilde dans sa luxueuse maison, puis commence à la priver de ses biens personnels et à l’isoler de son entourage. Il lui impose ses choix alimentaires et sexuels, justifiant cela par une prétendue bienveillance. Ce n’est qu’à l’apparition d’un acte de violence extrême que Clotilde perçoit clairement cet homme comme un dominant manipulateur plutôt qu’un protecteur.

Vingt ans après : briser le silence et chercher la sororité

Deux décennies plus tard, la honte liée à cette soumission passée demeure vive chez Clotilde. Cependant, elle prend la décision de s’exprimer et de dévoiler à ses amies la violence verbale et physique qu’elle a subie. Chacune des cinq femmes réagira à sa manière, mais elles resteront unies, illustrant la force de la sororité.

Le récit s’achève sur une forme de justice littéraire, qui semble prendre des allures d’appel à la prévention et à la prise de conscience.

Sarah Clément

Chloé Delaume, “Ils appellent ça l’amour”, Seuil, août 2025.

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