Contexte et enjeux pour les Suisses vivant à l’étranger

En Suisse, les parcours successoraux restent complexes et les défis s’accentuent lorsque le patrimoine concerne des Suisses résidant à l’étranger. Sur trente ans, les héritages ont progressé à un rythme deux fois plus rapide que les salaires, et l’Université de Lausanne estime que les patrimoines pourraient atteindre 100 milliards de francs cette année.

Selon le cinéaste suisse Simon Baumann, sa génération hérite davantage que les précédentes. Cette réalité s’applique aussi aux Suisses expatriés et à leurs proches, car la répartition d’un patrimoine à l’étranger peut engendrer des obstacles juridiques et fiscaux, en plus des questions familiales et financières souvent sensibles. Anticiper et organiser sa succession contribue à éviter de nombreuses complications pour les proches.

Un lecteur de Swissinfo, ayant vécu une procédure successorale éprouvante, décrit les obstacles rencontrés: délais des banques après la publication du testament, demandes répétées de remboursement de l’impôt à la source malgré une convention fiscale entre la Suisse et le pays de résidence, et difficultés à ouvrir et gérer un compte bancaire en Suisse lorsque l’on réside hors d’Europe.

Le droit successoral international et sa portée

Depuis le 1er janvier 2025, la Suisse applique de nouvelles règles sur le droit successoral international, en réponse à l’accroissement des échanges transfrontaliers entre personnes et patrimoines.

En principe, c’est le droit successoral du dernier domicile habituel de la personne décédée qui s’applique. Pour les Suisses vivant à l’étranger, cela correspond généralement au droit de l’État de résidence. Grâce à la nouvelle législation, certains Suisses expatriés et personnes à double nationalité peuvent toutefois opter pour le droit successoral suisse dans leur testament.

Ce choix peut présenter des avantages en matière de planification et clarifier les droits des héritiers, mais tous les pays ne reconnaissent pas cette option. Il est donc recommandé de se renseigner auprès des autorités compétentes du pays de résidence avant de finaliser le testament.

Il faut aussi savoir que le droit successoral suisse n’autorise pas la suppression de la réserve héréditaire: les parts réservataires pour les enfants et le conjoint survivant restent protégées lorsque l’application du droit suisse est choisie.

Par ailleurs, le droit applicable peut varier selon les biens. Par exemple, les biens immobiliers situés en France tombent sous le droit français. Dans certaines régions d’Italie, le système d’inscription foncière peut aussi introduire des particularités.

Dans le cadre du documentaire Wir Erben, la famille Baumann est réunie à la ferme familiale dans le sud-ouest de la France pour évoquer les questions liées à la succession.

La question des impôts et du cadre fiscal

Au-delà du droit applicable, le traitement fiscal des successions demeure une dimension centrale des successions transfrontalières. En Suisse, l’imposition des successions relève du droit cantonal, tandis que, lorsque les biens se situent à l’étranger, l’imposition se fait généralement dans le pays de domicile du défunt. En Suisse, la succession est déclarée et imposée comme patrimoine.

Le risque de double imposition est réel, car plusieurs États peuvent percevoir des impôts sur la même succession. La Suisse n’a conclu que peu de conventions de double imposition dans ce domaine, notamment avec l’Allemagne, l’Autriche, la Suède, les États-Unis et le Royaume-Uni, et pas avec de nombreux pays, notamment la France.

Concernant les biens hérités et importés en Suisse depuis l’étranger, ils bénéficient en général d’une exonération des droits de douane jusqu’à une valeur de 100 000 francs. Au-delà, il faut déposer une déclaration auprès de l’Administration fédérale des douanes, qui délivre ensuite une autorisation d’importation.

Étant donné la complexité du sujet, il est fortement recommandé de recourir à l’aide d’un professionnel en droit successoral international dès que possible. Les ambassades et les consulats suisses peuvent aussi fournir des informations initiales et des listes de spécialistes locaux.

Rédigé par Christian Raaflaub, SWI

By