Fossé persistant entre Romandie et alémanique

Dans ce scrutin, tous les cantons romands ont dit non à la suppression de la valeur locative.

Cette unité régionale n’a pas suffi à contrebalancer l’adhésion observée chez les électeurs alémaniques; le paysage national reste marqué par une fracture linguistique qui persiste malgré les résultats au niveau cantonal.

Un fossé politique durable

Le phénomène illustre un alignement politique parfois différencié selon la région linguistique. Le Rösti-graben, figure emblématique, refait régulièrement surface depuis les années 80.

Sur un total de 389 votations fédérales, le bloc romand s’est retrouvé en désaccord avec le bloc alémanique dans 29 cas, alors que l’ensemble des Suisses se prononçait sur les mêmes objets à ces 389 occasions.

Des sujets qui fâchent

Les divisions ne s’expliquent pas par des trajectoires politiques figées: l’analyse des votes au niveau communal montre des fluctuations importantes selon les thèmes, plutôt que selon une histoire régionale déterminée.

Certains sujets semblent plus propices à l’opposition: les objets liés à l’armée, les relations économiques avec l’Europe, les questions sociales ou environnementales accentuent le Rösti-graben et révèlent un clivage entre villes et campagnes, selon Victor Kristof, directeur de Demosquare.

Désaccords spectaculaires et enseignements

Bien que l’unité du pays ne soit pas en péril, des ruptures franches ont été observées: en 1999, la votation sur l’assurance maternité obligatoire a donné un oui de 65 % dans les communes francophones contre 31 % dans les communes alémaniques, soit un écart de 34 points.

Ce fossé demeure le plus large enregistré depuis 1990. À titre de comparaison, l’écart entre Romandie et Alémanique sur la votation portant sur la valeur locative était de 26 points, une divergence notable mais plus modeste dans le classement des désaccords sur 35 ans.

Pas un clivage classique

Plusieurs votes marquent l’histoire, notamment autour de la barrière de Rösti et des sujets comme l’assurance maternité, l’âge de la retraite des femmes et l’adhésion à l’espace économique européen, qui ont nourri de vifs échanges en Suisse romande.

Selon Sean Müller, professeur-assistant à l’Institut d’études politiques de l’Université de Lausanne, ce phénomène met en lumière les rapports de force entre majorité et minorité: en théorie, peu de chances pour une minorité de faire basculer une votation populaire lorsque chaque voix compte également.

Quant à l’idée d’un clivage durable entre une majorité alémanique et une minorité romande, les analyses ne le valident pas: « pour parler de clivage, il faut des acteurs qui mobilisent autour des divergences », expliquent les chercheurs Tybalt Félix et Elias Baillif. « Il n’existe pas d’acteurs qui mobilisent en continu autour de cette différence linguistique, ni du côté romand ni du côté alémanique. Ce n’est donc pas un clivage classique, mais une division parfois saillante, parfois faible. »

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